La Madawaska Corporation s’établit aux abords du barachois* de Carleton en 1928 et deviendra une importante compagnie pour le développement régional. Véritable complexe, l’entreprise « comprend un moulin à scie, un moulin à copeaux, une chambre pour les bouilloires, des ateliers de réparation, une forge, un convoyeur, un brûleur, un bureau et une maison de pension pouvant accueillir 130 hommes. En plus, une multitude de constructions annexes entourent le moulin1. »

Habitant de l’autre côté de la rue, Alphonse Bernard et sa femme Anna Guité, constatent l’activité que génère ce moteur économique et n’hésitent pas à convertir leur résidence familiale en gîte qu’ils nomment l’Hôtel Carleton. Ils hébergent surtout les travailleurs du moulin. Avec les années, leur fille, Jeanne Bernard, prendra la relève et c’est à elle qu’on doit l’appellation le Croche-à-Jeanne.

Au moment où Jeanne Bernard est la tenancière, l’Hôtel Carleton compte également un bar, point de rassemblement très populaire. « On disait : “On va chez Tante Jeanne”». Ce surnom témoigne de toute l’affection que la jeunesse de Carleton éprouvait pour elle.

Pour ce qui est du « croche », il faut dire que le tracé de l’ancienne route 6, ceinturant la Gaspésie, n’était pas identique à celui de la 132 que l’on connaît aujourd’hui. Il effectuait une légère courbe là où se dressait l’Hôtel Carleton. La capsule audio nous révèle comment ce point devint un repère dans le quotidien des habitants.

Même si l’établissement a changé de vocation depuis, le bâtiment existe toujours, légèrement en retrait de la route 132.

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AUDIO

Entrevue réalisée auprès de Jean-Paul Boudreau, 26 mai 2017.

Au-delà des belles soirées vécues chez « Tante Jeanne », il nous raconte comment ce « croche » est devenu un point de repère géographique.


 

LEXIQUE

* Barachois : « Un barachois est une étendue d’eau peu profonde située généralement à l’embouchure d’une rivière et qui est partiellement isolée de la mer par une longue bande de terre sablonneuse. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il s’agit bel et bien d’une formation naturelle. Les marins l’utilisent pour abriter leurs petites embarcations. […]

On a depuis longtemps émis diverses hypothèses quant à l’origine de ce terme. La thèse populaire la plus connue est un rapprochement avec barre à choir; la barre en question étant la longue bande de sable, et le verbe choir serait motivé par le fait qu’à marée basse, on peut y laisser choir son bateau. Mais c’est là sans doute un cas de ce qu’on appelle une étymologie populaire, qui naît du désir bien légitime et profondément humain de savoir d’où viennent les choses, y compris les mots. On tente alors des rapprochements qui parfois, dans ce cas-ci, font sens. Geneviève Joncas, dans un numéro de la revue Québec français, livre le résultat de ses recherches approfondies sur le sujet. L’hypothèse qui semble de loin la plus solide, la plus scientifique, est celle qu’a émise Patrice Brasseur (directeur du Centre d’études canadiennes d’Avignon), selon laquelle barachois serait une réfection du mot basque barratxoa (qui se prononce baratchoa) et qui signifie petite barre. G. Joncas nous apprendre en outre qu’une linguiste basque relève le mot barrachoa dès 1689 sur une carte de Terre-Neuve dressée par son compatriote Piarres Detcheverry. On connaît déjà la présence ancienne des Basques sur nos côtes. Il est normal qu’ils y aient laissé leurs empreintes linguistiques, et celle-ci n’est pas la seule3. »


 

BIBLIOGRAPHIE & NOTES

1 Mario Mimeault, « Édouard Lacroix, un Beauceron gaspésien », Encyclopédie, Encyclobec, (2002), http://encyclobec.ca/region_projet.php?projetid=355.

2 Propos tenus par de nombreux participants anonymes.

3 Commission de toponymie et Office québécois de la langue française, Parlers et paysages du Québec : randonnée à travers les mots d’ici (Québec : Publications du Québec, 2012), 86.

Autres sources consultées :

— Pascal Alain, Carleton-sur-Mer : un regard sur le passé, coll. « 100 ans noir sur blanc 49 » (Québec : Les Éditions GID, 2017).

— Jacinthe Archambault, « Near enough to be neighbors yet strange enough to be the goal of our pilgrimage. » Tourisme, consommation et représentations identitaires dans la péninsule gaspésienne (1929-1966) (Thèse de doctorat en histoire, Montréal : Université du Québec à Montréal, 2017).

— Paul Lemieux (président de l’Écomusée Tracadièche), propos recueillis par Catherine-Emma Boudreau pour l’artiste, juillet 2017.


 

IMAGES

1. Marie-Claude De Souza, 2015.

2. Écomusée Tracadièche. AP_273_2.

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