Tous les recoins du Plan-Vautrin1, secteur de l’arrière-pays colonisé après la Grande Crise, semblent avoir leur surnom et leur « petite histoire ». Bien que ces lots sont aujourd’hui inhabités, plusieurs anciens résidents gardent bien vivante leur mémoire. L’espace à peine défriché (1934-36), les quelques générations suivantes ont été forcées de le quitter (1974) dans la foulée des recommandations du Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ). Est-ce que ce passé, pas si lointain, à la fois de pionnier et de déraciné, mène à une appropriation par l’imaginaire de ce lieu qui n’est maintenant que souvenir?
Au premier abord, il peut sembler banal de s’intéresser à une mare à grenouilles, car cette « margouille à Garnouilles » c’est ce dont il s’agit. Toutefois, il y a une teneur symbolique à faire revivre un élément relevant de la quotidienneté dans un tel contexte. Tout de suite, l’on s’imagine les jeux d’enfants en dépit des moustiques, les pantalons retroussés. Cette margouille est une machine à voyager dans le temps, un canal vers le passé, celui, universel, de l’enfance, celui spécifique des anciens résidents du Plan-Vautrin.
La Commission de toponymie du Québec, à travers un ouvrage intitulé Parlers et paysages du Québec, s’est intéressée à « la richesse sous-estimée de certains toponymes et spécifiquement celle des génériques* locaux2. » Dans le cas présent, le générique serait « margouille », car il identifie de manière générale la nature de l’entité géographique désignée, alors que le spécifique* serait « Garnouilles ». Il a été constaté que « dans la toponymie québécoise de langue française, il existe souvent plusieurs éléments génériques pour exprimer un même type d’entité géographique. Cette situation s’observe particulièrement dans les toponymes désignant les milieux humides. En fait, on retrouve pas moins de 70 génériques différents pour les désigner, dont baignage, cédrière, eau morte, fond, grenouillère, margouillère, plée, pleurie, savane, terre noire, trou et vasière. […]
L’intérêt pour ces mots réside aussi dans le fait que plusieurs des éléments génériques de noms de lieux appartiennent spécifiquement au français parlé au Québec. En fait, peu d’attention a été portée jusqu’ici à la langue vernaculaire québécoise de la géographie, malgré la richesse de ce vocabulaire3. »
Le mot « margouille » est donc mis à l’honneur dans le cadre cette oeuvre parce qu’il reflète notre manière diversifiée de nommer le territoire. Nous vous invitons à le perpétuer.
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AUDIO
Entrevue réalisée auprès de Donald Falardeau, septembre 2017.
Il nous offre sa propre définition du terme margouille.
LEXIQUE
Générique : « Partie d’un toponyme qui identifie, de façon générale, la nature de l’entité géographique dénommée4. »
Spécifique : « Partie du toponyme qui désigne de façon particulière l’entité géographique dénommée5. »
BIBLIOGRAPHIE
1 Le Plan-Vautrin : un endroit lui-même répertorié en tant que lieu-dit par la Commission de toponymie du Québec. Officiellement, il est situé au nord de la municipalité de Nouvelle, mais il est aussi accessible à partir de Saint-Omer, via la route Saint-Louis.
2 Myriam Hallé, « Projet de publication Parlers et paysages du Québec : une randonnée à travers les mots d’ici », Els noms en la vida quotidiana. Actes del XXIV Congrés Internacional d’ICOS sobre Ciències Onomàstiques, 2014, 1193–1198, DOI : 10.2436/15.8040.01.122.
3 Ibid.
4 Gouvernement du Québec, « Glossaire : Qu’est-ce qu’un générique? », Commission de toponymie, consulté le 8 septembre 2017, http://www.toponymie.gouv.qc.ca/ct/references-utiles/glossaire/generique.aspx.
5 Gouvernement du Québec, « Glossaire : Qu’est-ce qu’un spécifique? », Commission de toponymie, consulté le 8 septembre 2017, http://www.toponymie.gouv.qc.ca/ct/references-utiles/glossaire/specifique.aspx.
IMAGES
1. Marie-Claude De Souza, 2017.
2. Panneau réalisé par M. Marius Bergeron, dans le cadre des retrouvailles de Saint-Louis tenues en 2014.